Vient saluer la nouvelle bibliothécaire

Invité

Miss Teigne quitta les élèves de Serdaigle et parcourut la bibliothèque du regard. Elle savait que le poste avait enfin été pourvu. Elle avisa une jeune femme qui devait être sa nouvelle collègue.
- Bonjour, excusez-moi, vous êtes bien Mlle Mohéra Lupin ?

Mohéra, occupée à rouler d'antiques parchemins gravés de textes calligraphiés en Fourchelang et que le Maître destinaient à la Réserve, sentit son coeur faire un bond dans sa poitrine surprise par l'interpellation d'une jeune femme. Elle fit volte face et dévisagea son interlocutrice de ses grands yeux améthystes :

-Bonjour, oui c'est cela, je me nomme Mohéra Lupin, nouvelle Bibliothécaire, enchantée. Puis-je savoir à qui ai-je l'honneur madame ?

Invité

- Je suis Miss Teigne, le professeur de défense contre les forces du bien.
Elle lui adressa un sourire.
- Je tenais à vous souhaiter la bienvenue dans l'établissement, nous sommes tous ravis d'avoir enfin une bibliothécaire. Les élèves prenaient bien trop de libertés en ces lieux.
Elle observait la jeune femme qui lui semblait familière, puis son regard devint interrogateur. Avait-elle mal entendu le nom de famille ?

*Forces du Bien?*

Mohéra refoula un hoquet ricaneur et sardonique. Sa pupille violette se dilata tandis que Miss Teigne la dévisageait de pied en cape. Elle esquissa un sourire au professeur, peut être un peu plus franc qu'elle ne l'aurait souhaité.

-C'est un réel plaisir de faire votre connaissance, Miss Teigne, et je vous remercie de vous être déplacée pour quérir de mes nouvelles dans mon affectation à ce poste. Je compte bien couper court aux libertés frivoles qui perturbent le repos des ouvrages, ajouta-t-elle avec une étincelle dans les yeux.

Un froncement de sourcil se dessina sur le visage rayonnant de Miss Teigne, comme si son esprit venait d'entreprendre des fouilles archéologiques au fin fond de son insondable mémoire.

-Une chose vous préoccuperait-elle, Miss Teigne?
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Invité

Miss Teigne était un peu ennuyée de s'être démasquée, surtout après un accueil aussi charmant et prometteur de bonnes relations. Aussi décida-t-elle d'être franche.
- En effet, et je vous prie par avance de m'en excuser. Vous me trouverez sans doute bien indiscrète pour une première rencontre, mais je n'ai pu m'empêcher de remarquer votre nom de famille... Cela dit, ne vous sentez nullement obligée de m'en parler !

Décidément, Mohéra n'aurait jamais songé que son nom puisse tant intriguer la communauté de Poudlard qu'elle venait d'intégrer. Angélique, Gabrielle Plumel, et maintenant Miss Teigne...
Après tout, les Mangemorts s'était toujours bien gardés de lui tenir des discours longs de plusieurs parchemins au sujet de son père, bien que durant toutes les années de sa jeune existence elle chercha sans répis la trace de cet assassin qui avait engendré un enfant et en avait sauvagement tué la mère... Pour ainsi dire, elle connaissait tout ce que les écrits avaient pu lui révéler sur Rémus, et pourtant il était pour elle un parfait inconnu. Un Lycan serviteur de l'Ennemi, rien de plus...
Elle commençait sérieusement à redouter la raison pour laquelle son père adoptif, Walden MacNair, lui avait sommé de ne point révéler les liens véritables qui l'unissaient à Lupin.

-Hum, oui... Mon nom de famille...

Mohéra hésita l'espace d'un court instant durant lequel sa phrase demeura en suspend, accroché à ses lèvres oscillantes comme la dernière feuille morte d'un Sol Cogneur à la veille de l'hiver. Puis, ignorant cette-fois ci les recommandations de Walden, elle se jeta à l'eau, si l'on puit dire, mais dans une eau dont elle ignorait tout de la profondeur et des êtres qui y régnaient...

-Si je vous disais que je suis sa fille, que répondriez-vous à cela ?

Invité

Miss Teigne l'avait observée, la jeune femme semblait mener un vif combat intérieur. Elle prit donc la dernière phrase très au sérieux.
- La fille de Rémus. Je ne pourrais vous en dire qu'une chose, je suis désolée. Il était dans le mauvais camp, mais c'était un homme de principes, ce que je suis capable de respecter. En revanche, si vous êtes bien sa fille, sa double nature a dû terriblement vous faire souffrir.

Telle la secousse d’une décharge électrique, ces paroles lui firent l’effet d’un boulet en plein cœur; elle put nettement en ressentir les violents battements à rompre ses côtes.

-Je...

La seule photo du corps dépecé et lacéré de sa mère que lui avait montré les Mangemorts lui frappa l'esprit avec la puissance d'impact d'un cognard lancé par un troll. Sa vision se voila, et ses yeux abusés larmoyants ne voyaient plus que les innombrables morsures sauvages et griffures bestiales qu'avaient infligé à la chair de sa mère mourrante le loup-garou qui partageait l'âme et l'enveloppe corporel de Rémus. Oh oui, la seconde nature de son père l'avait fait souffrir plus qu'il ne serait possible de l'imaginer, chaque jour de son existence comme chaque nuit, sans cesse hantés par le ruissellement de sang visqueux qui baignait le corps inerte de Diane ce jour où l'amour qu'elle avait eu pour un Sorcier Blanc lui avait couté la vie.

Mohéra chassa cette vision apocalyptique de ses yeux humides par des gestes incontrôlés de son avant bras, quelques gouttes de sueur commençant à perler son front fiévreux.
Elle rouvrit les yeux sur le monde réel et sur le visage de Miss Teigne qui se tenait devant elle.

-Oui...terriblement en effet, parvint-elle à articuler comme si sa langue s'était malencontreusement aventurer dans le feuillage d'un sol cogneur. Un homme de principes dites vous? Auriez-vous connu mon père, Miss Teigne?

Mohéra se surprit à poser cette question avec une lueur d'espoir poindre dans son coeur; une lueur qui pour la première fois esquiva toute la haine qui coulait dans ses veines depuis qu'on lui avait narrer l'hodieux crime comis par son père. Car cette fois-ci, ce n'était ni Walden ni un des Mangemorts qui avait participé à son éducation de la Magie Noire qui lui parlait de Rémus en la considérant comme sa fille; non, et Mohéra pendait aux lèvres de Miss Teigne comme une araignée à son fil de soie afin de saisir le moindre mot éventuel qui lui ferait découvrir son père sous un nouveau jour.

Invité

Miss Teigne hésitait à répondre, elle ne savait pas trop si ce qu'elle lisait sur le visage de sa collègue était de la colère ou de l'espoir. Mohéra semblait avoir eu déjà beaucoup de mal à avouer sa filiation, que ferait-elle de sa réponse ? Elle se décida malgré tout.
- Je l'ai connu, en effet, mais presque uniquement sous son aspect animal. Je suis animagus moi-même et j'ai eu à me défendre contre lui alors qu'il voulait calmer sa faim sans atteindre d'être humain. Nous nous sommes battus jusqu'au lever du jour. J'ai alors découvert son vrai visage et ai repris le mien... Mais je ne suis pas sûre que cette histoire vous intéresse....
Elle espérait en avoir dit juste assez pour que Mohéra puisse choisir de changer ou de poursuivre ce sujet de conversation.

Mohéra eut l'affligente sensation qu'une dague nimbée de flammes transperça son coeur palpitant, tant elle brûlait d'impatience et de hargne d'en savoir encore d'avantage, au prix de sombrer douloureusement dans les souvenirs éparses de son passé mitigé. Elle saisit le poignet de Miss Teigne, une étincelle frénétique vacillant dans ses pupilles améthystes, avant de proférer :

-Détrompez-vous, Miss Teigne, mon intérêt n'en est que plus décuplé... Je ne connais de mon père que ce que l'on a bien voulu me raconter à son sujet... Autrement dit le monstre sanguinaire qui habite son corps à chaque nouvelle pleine lune... Je vous en prie, dites moi ce que vous savez à son sujet si ce n'est déjà fait..., finit par la conjurer Mohéra.

*Que je puisse mesurer la taille de mon adversaire...*

Invité

Miss Teigne fut très surprise d'être ainsi saisie par le bras. Sa collègue semblait vraiment être dans un état émotionnel terrible.
- Il y avait bien plus en votre père que le loup, Mlle Lupin. Lorsque nous avons repris nos formes respectives ce jour-là, il fut horrifié de réaliser qu'il avait failli tuer un être humain et il s'est effondré. Je n'aime pas beaucoup les épanchements sentimentaux en règle générale, mais je l'ai écouté parce que je sentais en lui une douleur immense, une culpabilité sans bornes. Je vous avoue tout de suite que je ne sais pas ce qui le motivait mais il m'a raconté son calvaire.
Elle observait Mohéra pour juger de l'effet de ses paroles.
- A cette époque, j'avais déjà un fort penchant pour la magie noire, mais je n'avais pas encore de camp, j'étais trop jeune pour y songer sérieusement. Mais je dois vous dire que j'ai été troublée par le récit de cette existence à laquelle il était condamné.

Mohéra bu les paroles de miss Teigne comme pour étancher une soif qui durait depuis vingt ans. Elle renforça son étreinte sur le poignet de sa confidente, sentant des larmes lourdes d'émotion poignante faire briller ses yeux.
Elle éprouvait ce sentiment terrible de découvrir son père comme s'il avait toujours été pour elle un parfait inconnu. Et il semblait bien que c'était plus le cas qu'elle ne le pensait...

-Votre récit est bouleversant Miss Teigne..., parvint-elle à articuler avec difficulté alors qu'un noeud lui malmenait l'estomac. Je...je ne sais que vous dire... Je n'ai jamais vraiment connu mon père et...

L'image du corps de sa mère mutilé heurta son esprit comme un pic de glace sorti tout droit des entrailles de l'Enfer.

-Je crois savoir ce qui le motivait, ajouta-t-elle les dents serrés. Je ne saurais juger de la véracité de ce qu'il vous a raconté, Miss Teigne, mais un crime n'est pas plus pardonnable parce qu'il a été commis sous une forme derrière laquelle il est permis de se cacher. Toute ma vie j'ai été forgée pour ne pas éprouver de pitié lorsque j'aurais enfin retrouvé sa trace... Mais pardonnez-moi, je parle de choses dont vous n'avez sans doute pas connaissances. J'aurais aimé pouvoir connaître mon père comme il vous a été possible de le faire, mais aujourd'hui j'en sais trop sur son côté maléfique pour ouvrir les yeux sur l'autre penchant de son être. Ce serait trahir la mémoire d'une personne qui m'était chère que de ne point mener mon combat jusqu'au bout...

Soudain, elle hésita, puis se rapprocha un peu plus de Miss Teigne, les joues rougies par les larmes qui affluaient au coin de ses paupières. Elle ne savait pas si le lieu et le moment était propice à de tels propos, et à vrai dire elle en doutait fort, mais ses lèvres bougèrent plus vite qu'elle ne l'aurait souhaité :

-Racontez-moi...que vous a-t-il dit au juste sur son...calvaire?

Invité

En observant et en écoutant Mohéra, Miss Teigne percevait sa douleur et une sorte de déchirement en elle. Elle désirait tout savoir de son père mais comme si c'était pour mieux le haïr.
- En réalité, vous devez déjà savoir une grande partie de ce qu'il m'a raconté. Sa morsure volontaire par Fenrir, sa scolarité difficile mais rendue supportable par l'aide de ses amis, sa haine des Mangemorts aussi...
Elle s'arrêta à ce moment. C'était la partie de la conversation qui l'avait poussée à regarder Remus de haut, parce qu'elle pensait alors que son choix n'était dicté que par son expérience personnelle. Mais elle avait compris plus tard, après avoir elle-même déterminé son camp, que de vrais principes le poussaient à l'action.
- Depuis, j'ai rencontré Fenrir, qui n'est pas le Mangemort le plus sympathique à mes yeux et qui a complété le récit pour moi. Votre père avait été choisi délibérement et il reste encore aujourd'hui un sujet de déception énorme de ce point de vue.
Elle songea ensuite aux actes de Remus, du moins à ce qu'elle en connaissait.
- Mais vous avez raison, il ne peut pas trouver d'excuse dans sa nature de loup-garou. Lorsqu'on choisit un camp, dans notre monde, il faut s'y tenir ou mourir pour lui.

Mohéra était bien malgré elle profondément touchée par les paroles de Miss Teigne. Lorsque cette dernière cita au sujet de Rémus "sa haine des Mangemorts", Mohéra eut soudain l'affligeant sentiment d'être horriblement seule dans son combat. L'unique famille qui lui persistait était son père, dont la fille représentait ce qu'il haïssait le plus dans ce monde de ténèbres : une Mangemort. Espérait-elle un peu d'amour paternelle de la part de l'homme qu'elle s'était juré de tuer pour venger sa mère ? Une question qu'elle avait de tout temps cruellemnent ignorée, et qui aujourd'hui refaisait surface comme une boule de feu jaillissant des enfers entrailleux dela Terre.

*Ressaisis-toi, voyons, tout cela n'est qu'absurdité et déraison...*

Elle ne put retenir une larme scintillante qui s'envola de sa paupière humidifiée, puis, saisissant l'autre poignet de Miss Teigne de sa main fiévreuse, lui souffla obligeamment :

-Vous avez raison Miss Teigne, s'y tenir ou mourir pour lui...Je crains que Rémus ne prenne bientôt goût à la seconde option... Je vous prie de bien vouloir m'excuser, mais j'aurais grand besoin d'aller prendre un peu l'air, je ne me sens pas véritablement bien...

Elle offrit à Miss Teigne un dernier mais triste sourir, entama sa progression vers la porte, puis fit soudain volte face en saisissant les gongs implantés dans le bois massif. Sa voix se fit frêle et pincée :

-Une dernière chose si vous me le permettez, Miss Teigne... Je... Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez eu des nouvelles de Rémus Lupin?

Invité

Miss Teigne constatait à quel point sa collègue était bouleversée et elle s'apprêtait à quitter la bibliothèque lorsqu'elle entendit la dernière question. Elle fit donc volte-face.
- Cela fait déjà un certain temps, c'était le soir de la mort de Dumbledore. Il est bien évident que nous n'avons pas parlé ensemble mais j'ai bien vu la fureur et le deséspoire qui l'animaient. Je ne sais si vous désirez le voir ou non, Mademoiselle, mais si c'est le cas, quelles que soient vos raisons, vous êtes dans le meilleur endroit possible. Remus, comme tout l'ordre du Phénix, cherche Rogue, mais je ne vois que lui pour tenter de mener à bien cette mission. Il viendra nécessairement à Poudlard. A ce moment, j'espère que vous aurez l'occasion de régler les problèmes qui semblent vous tourmenter. Je vous laisse à présent, en espérant ne pas vous avoir froissée.
Elle avait compris la volonté de sa collègue d'être un peu seule pour remettre de l'ordre dans ses idées. Elle se dégagea doucement et quitta la pièce.

Mohéra resta quelques longues secondes de marbre sans quitter des yeux Miss Teigne qui s'éloignait en silence, le temps que son âme se livre à une effluve de sentiments paradoxales.

*Vous êtes dans le meilleur endroit possible?* se répéta-t-elle non sans une certaine appréhension.

Le plus étrangement du monde, cet instant que toute sa vie avait attendu, maintenant qu'il était pratiquement à porter de baguette, Mohéra se surprenait à le redouter ardemment. Elle avait peur de l'homme qu'elle allait découvrir, cet homme au sujet duquel elle n'avait toujours entendu que mots et phrases obscures... Cet homme qui était son père.
Mohéra jeta un dernier regard en direction de l'ombre estompée de Miss Teigne, puis quitta la salle tête baissée.

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